Tribune libre
Retour05 mai 2021
Le 3 mai 1981, notre histoire d’immigration
LETTRE OUVERTE
©Photo Gracieuseté
Une histoire d'immigration réussie, celle des Atallah.
PAR MOCHIRA ATALLAH - Il y a 40 ans, nous atterrissions, mon père, ma mère et moi, à l’aéroport de Dorval de Montréal pour commencer notre aventure d’immigration au Canada.
Mon père, capitaine au long cours, avait pu visiter le Québec à quelques reprises auparavant, mais c’est à l’été 1979 qu’il est venu avec ma mère, ma grand-mère maternelle et paternelle à Montréal. Mes parents sont tombés en amour avec la ville et ont décidé de présenter un dossier d’immigration permanente à la fin de cette même année.
Un an plus tard, nous étions tous les trois en sol québécois. À Montréal, mes parents avaient retrouvé cousins et amis ayant immigré avant eux. Ce fut aussi la naissance de mon petit frère. C’est une immigration qui s’annonçait facile et heureuse.
Malheureusement, les mois passèrent et mon père ne se trouvait pas d’emploi en tant que capitaine. Malgré ses 15 années à naviguer sur les mers, il ne pouvait naviguer sur le fleuve Saint-Laurent à moins de refaire toute sa formation pour obtenir sa certification canadienne. Il s’est donc inscrit pour refaire sa formation et en même temps a obtenu un contrat à l’Institut maritime du Québec afin d’enseigner aux adultes en navigation, à Montréal, pour ceux qui étaient déjà diplômés de l'IMQ et qui voulaient obtenir des brevets supérieurs.
Un peu plus tard, à la suite de recommandations d'un ami, il a postulé pour un poste d’enseignant à l'IMQ, à Rimouski, et l'a obtenu. Si vous connaissez mon père, vous savez que ce poste qu’il a fièrement décroché est devenu sa plus grande passion, un amour éternel, un rôle qu’il a occupé plus de 37 ans et dont une grande partie de ses étudiants diplômés sont devenus capitaines et pilotes à leur tour sur notre majestueux fleuve. Rimouski, pour lui, c’est le paradis sur Terre.
Ma mère, heureuse à Montréal, s’est retrouvée tout d’un coup seule avec moi, mon petit frère et quelque temps après enceinte de ma petite sœur dans une petite ville 120 % francophone et ayant très peu d’immigrants. Son histoire d’intégration n’a pas été simple… quitter Montréal pour Rimouski fut même plus difficile que de quitter Le Caire. Toutefois, 40 ans plus tard, elle vous dira elle-même le bonheur qu’elle y vit également aujourd’hui surtout avec ses petits-enfants.
Dans ces 40 années au Québec, dont 39 à Rimouski, ma famille a accueilli des centaines de personnes. D’abord, deux des frères de mon père et leurs enfants qui ont également immigré au Québec (oui, nous avons vécu à 15 plusieurs mois tous à la maison. Je ne vous dis pas les paniers qui défilaient à l’épicerie Steinberg du temps!). Nous avons également accueilli étudiants internationaux, touristes, visiteurs (amis d’amis) et même une troupe de musique composée d’une quinzaine de personnes. Chaque fois offrant logis et repas à l’égyptienne (préparé pour une armée évidement, comme ma mère sait le faire, même si nous recevions qu’une personne).
Alors, malgré les difficultés d’intégration que l’on a pu y vivre, le racisme, la solitude et l’éloignement de nos familles en Égypte, nous avons également vécu des expériences incroyables, développé des liens extraordinaires qui resteront gravés dans notre mémoire à tout jamais. Aujourd’hui, je vous écris de Québec, la ville que j’aime, mais mon cœur reste accroché à mon Bas-du-Fleuve que je ne pourrais vraiment jamais quitter!
Par cet article, je souhaitais rendre hommage à mes parents qui ont pris cette décision de nous offrir un meilleur avenir. À mon père qui a tout donné à ses enfants et aussi à ses étudiants qu’il chérit tout autant. À ma mère qui a tellement sacrifié d’elle-même pour notre bonheur. À tous nos amis rimouskois qui nous ont accueillis à bras ouverts et qu’on aime profondément.
Nous sommes arrivés à trois, puis frère et sœur se sont ajoutés… et 40 ans plus tard, nous sommes devenus 16 avec l’ajout de nos partenaires et enfants. Merci Canada, merci Québec, mais surtout, merci Rimouski!
Mochira Atallah
Commentaires
12 mai 2021
Claude Laroche
Quel beau témoignage! La région, le Québec et le Canada peuvent être reconnaissant d'avoir été le choix de votre père. Merci et bravo pour votre excellent français!
21 mai 2021
Mario Gagnon
Mon fils Amaël a eu l'immense plaisir d'avoir votre père comme enseignant à L'IMQ. Il l'a apprécié beaucoup.. Aujourd'hui, mon fils a son brevet de capitaine et il en est à sa dernière année comme apprenti pilote. Il m'a parlé de votre père et selon lui, il a été déterminant dans sa formation. Il lui en est bien reconnaissant.