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23 mai 2017

Cancer : les aidants aussi importants que les victimes

©Photo: Gracieuseté

N.D.L.R. : À quelques jours du Relais pour la vie à Rimouski (03 juin 2017), TC Media a rencontré Pierre Chassé, 54 ans, aidant depuis de nombreuses années, chez qui le cancer s’est manifesté de la façon la plus cruelle à plus d’une reprise. Il est ambassadeur pour le Relais pour la vie pour une 4e année. Voici son histoire.

En fait, voici l’intégral de l’entrevue que nous accordait Pierre Chassé.

La perte de mes deux sœurs notamment m’a frappé à Noël. En définitive, les fêtes de famille ne sont plus jamais les mêmes. -- Pierre Chassé

TCM - Vous avez fait connaissance pour la première fois avec le cancer quand et dans quelle circonstance ?

PC - Aussi loin que je puisse me souvenir, c’est une tante qui avait subi le cancer du sein et l’ablation d’un sein. À l’époque, c’était beaucoup plus grave que ça l’est aujourd’hui, considérant l’avancement de la recherche et de l’exercice médical. Dans ce temps-là, c’était difficile pour la femme. Il n’y avait que peu de ressources pour les accompagner. C’était toute une affaire dans ce temps-là. Cela créait des commotions au sein des familles et des proches, d’autant plus qu’il y avait des stéréotypes autour de la maladie. La femme se sentait alors très démunie, considérant justement le peu de ressources. Même les familles en général ne savaient pas trop comment réagir face au cancer. Il en était la même chose, au niveau du milieu médical. Ça faisait peur au point que pendant longtemps, on craignait que ce soit contagieux, le cancer.

TCM - Cette prise de connaissance a eu des suites difficiles, pour ne pas dire dramatiques, n’est-ce pas ?

PC - Effectivement. Je te dirais que la prise de conscience s’est concrétisée de façon dramatique lorsque l’épouse de mon frère, Martin, est décédée d’un cancer du sein à l’âge de 30 ans. Il y avait deux enfants dans la maison. Je puis vous assurer que ce fut toute une épreuve. Cette famille demeurait à Gaspé et venait à Rimouski pour des traitements. La famille demeurait chez nous lors de ces visites médicales et je fus particulièrement préoccupé par cette situation.

Un peu plus tard, j’ai été très affecté par la maladie qui a frappé le policier Luc Beaupré, un ami de la famille. Il était le fils de Réal et Mariette Beaupré. C’est là que j’ai fondé le Fonds Luc-Beaupré, un fonds de dotation au profit de l’ACEQ, à l’époque. Le fonds existe toujours. J’ai vécu la maladie avec eux, je l’ai vue et j’ai attendu un an près son décès pour aller voir sa famille pour lui demander l’autorisation de créer quelque chose à la mémoire de leur Luc et aussi pour contribuer à combattre la maladie. S’impliquer.

TCM - Quel a été votre rôle, dans ces différentes étapes ?

PC - La prise de conscience de tous ces éléments m’a surtout fait voir, comprendre que je n’étais pas seul, pas unique. La plus grande chose que j’ai alors apprise est que ce que les autres vivaient, je le vivais aussi, intensément. Ce que tu vis dans la maladie, les autres le vivent aussi. Cela fait partie de la réalité de nous toutes et tous. Nous ne sommes pas uniques, dans la maladie.

TCM - Le fait d’avoir perdu des membres de votre famille a eu quelles répercussions sur vous ?

PC - Il faut dire que j’ai perdu deux sœurs en Lana (sein), 52 ans et Debbie (poumons), 68 ans, à savoir la plus jeune et la plus vieille de la famille. Il a été difficile de perdre le bébé de la famille et bien sûr, la plus vieille aussi, considérant qu’on n’a pas eu beaucoup de temps pour nous préparer à son départ. J’étais en vacances l’an dernier quand on m’a appelé pour me dire qu’elle avait le cancer. Nous avons modifié notre périple des vacances, mon épouse et moi, et sommes allés à voir. Elle est décédée le 14 juillet.

La perte de mes deux sœurs notamment m’a frappé à Noël. La plus vieille était celle qui tricotait les pantoufles, faisait les pâtisseries et le fait de ne pas l’avoir dans notre environnement faisait qu’on la cherchait. Quant à Lana, on la protégeait. C’était le bébé de la famille et on avait intérêt à la protéger (rire).

En définitive, les fêtes de famille ne sont plus jamais les mêmes, quand nous perdons des êtres chers. Et dans le cas de Debbie, nous avons à peine eu le temps d’aller la voir, dans les Maritimes, et de revenir à la maison, pour apprendre qu’elle nous avait quittés.

Ajoutez à cela qu’il y a 7 ou 8 ans, j’ai aussi perdu un autre frère, Downey (poumons), 54 ans. C’est une réalité donc qui est autour de nous, d’où je répète que je ne me sens pas seul dans cette galère. Nous rencontrons rarement des gens qui n’ont pas une histoire à nous raconter, attachée au cancer. De sorte qu’étant aidant et étant ambassadeur quand j’étais dans la Fondation Luc-Beaupré, je suis encore plus exposé à ça. Les gens viennent te voir t’en parler. Je ne me sens donc pas si unique que ça, même ce fut très gros l’an dernier, quand même.

TCM - Quand il est question de cancer, on ne parle plus que des malades, mais aussi des aidants. Ce statut d’aidant, vous l’avez joué à plus d’une reprise, pas vrai ?

PC - Quand on est à Rimouski, c’est assez spécial. Nous y sommes depuis 1985. Nous avons de la famille à l’extérieur, des amis et quand ils viennent recevoir des soins, nous les accueillons à la maison. Nous avons donc vécu les situations des gens, sauf pour Debbie que nous sommes allés la voir dans les Maritimes. Nous vivons intensément ce que nos ‘invités’ vivent. Lana, par exemple, est demeurée à la maison pendant deux mois, le temps de l’ensemble de son vécu médical majeur.

TCM - Le fait d’avoir perdu autant de proches, nommément dans la famille, a-t-il eu des répercussions, comme la peur, la crainte, chez vous ?

PC - Mon vécu personnel et professionnel est peut-être tributaire du fait que le suis assez philosophe, très sensible à mon entourage. Mais en même temps, j’ai compris que nous ne sommes pas éternels. Et quand on perd des gens, on le comprend encore plus. Et comme tout le monde – même si je n’ai pas 100 ans, je suis rendu à un âge où on se rend compte qu’on est plus vulnérable. J’ai un grand ami à Amqui que j’ai visité à quelques reprises – il est un ancien joueur de hockey pour les Ambassadeurs de La Vallée (Bruno Connor). Il a mon âge, 54 ans, et il est sur son départ, présentement.

Dans ces circonstances notamment, on se rend compte que l’on est vulnérable. Mais en même temps, il y a de belles histoires chez les gens autour de nous. Il y a de grandes victoires dans la famille du cancer. Il y a des gens qui savent persévérer, qui apprennent à composer avec la maladie, à vivre avec, à passer au travers. C’est beau à voir. Ça donne de l’espoir.

TCM - Il est clair que, contrairement à il ya très peu de temps, le mot cancer ne peut plus être automatiquement associé à une mort prochaine, une mort certaine.

PC - Il est certain que la recherche vient en aide au personnel médical qui réussit à aider des gens à vivre des rémissions, même des guérisons, selon certains types de cancer. Il est là, l’espoir. Les argents amassés dans les diverses campagnes continuent à faire progresser les recherches, ce qui nous permet d’espérer qu’on jour, on puisse vaincre totalement cette maladie.

TCM - Quand il est question de cancer, maintenant, on ne parle pas que des malades, mais aussi des aidants, dont vous êtes. C’est quoi, dans les faits, un aidant ? Est-il juste de dire que l’aidant est aussi important que le malade qu’il accompagne ?

PC - Il y a de ces gens qui sont destinés à occuper des rôles. Personnellement, je me vois comme étant quelqu’un qui peut donner de l’espoir. Je ne suis pas porteur d’espoir comme tel, mais je le suis autrement, et je pense que cela a beaucoup à voir avec nos valeurs. J’ai été élevé entouré d’échelles de valeurs que je tente de garder, d’appliquer au quotidien. Et le fait d’être aidant, je pense que je dois ça à ma jeunesse, ma formation. Ma conjointe, Arlyne, a perdu son père étant très jeune (5 ans) et sa mère est une femme extrêmement généreuse de son temps. Arlyne et moi, sommes, je crois, généreux de notre temps et de notre aide et je pense que notre éducation y est pour quelque chose.

TCM - Qu’est-ce qui est le plus difficile à accepter dans ce rôle exceptionnel ?

PM - Il est certain que de voir partir des gens que l’on accompagne, même dans le rôle d’aidant, c’est toujours difficile, car nous nous attachons à ces gens. Mais j’ai appris à bien vivre mes deuils, de passer au travers en tentant de relever le positif de chacune de ces situations.

TCM - Qu’est-ce que vous retenez le plus, au plan positif, de ce rôle exceptionnel ?

PC - C’est cette mobilisation de mon être qui se traduit en une certaine motivation à vouloir surmonter l’épreuve, à aider dans les initiatives aidant à combattre cette maladie. J’ai notamment appris que toute personne souffrant d’un cancer, a besoin, à un moment ou un autre, de compter sur une personne avec qui elle pourra parler, échanger.

À un moment, le porteur de la maladie peut se sentir très seul et l’entourage – non seulement et non uniquement familial – doit savoir négocier avec cette situation, considérant que l’entre-deux oreilles peut être aussi important que le médical, considérant que le fait de porter un cancer n’a pas la même répercussion, le même effet sur tout le monde.

Chacun est particulier, y compris dans l’acceptation de son état. Je pense même que le plus beau cadeau que peut recevoir un porteur d’un cancer est d’avoir quelqu’un qui s’intéresse à lui. Il s’installe un lien qui transcende la mort, ça dépasse la mort. C’est un lien qui s’installe et qui demeure.

TCM - Quand vous entendez le fait qu’il y a 2 300 cas de cancer qui s’ajoutent tous les ans dans l’Est-du-Québec et la Côte-Nord, ça vous interpelle comment ?

PC - C’est incroyable. C’est dire à quel point c’est une maladie importante et qu’il faut y mettre beaucoup d’énergie. On n’y mettra jamais assez d’énergie pour venir à bout de cette maladie-là, qui ne cesse de faire des ravages.

TCM - Le RELAIS POUR LA VIE du 03 juin prochain, c’est quoi, pour vous ?

PC - On y voit, à ce rassemblement, une solidarité incroyable chez les gens. On le voit quand on marche. On en voit qui sont encore endeuillés. Ils ont encore le goût de contribuer, mais ont encore besoin d’exprimer toute cette peine d’avoir perdu un être cher. Il y a beaucoup de respect, de solidarité, dans cette manifestation qui vient notamment nous chercher par cet alignement des chandelles identifiées aux disparus.

TCM - Quel est votre message aux porteurs d’espoir ?

PC - Merci ! Merci de continuer de vous battre. Merci d’être là de vous manifester, de dire que vous êtes vivants, que vous êtes là et que vous continuez. Je pense que c’est aussi ça, la récompense pour l’aidant. C’est le porteur d’espoir.

TCM - Quel est votre message aux aidants ?

PC - Bien sûr que c’est un grand merci également, comme je les invite à continuer de s’intéresser aux gens qu’ils accompagnent, qu’ils soutiennent. Ces gens jouent aussi un rôle important auprès de la Société canadienne du cancer et tout autre mouvement dédié aux porteurs de cette maladie. Les aidants sont plus essentiels qu’ils peuvent s’imaginer.

TCM - Et à la population en général ?

PC - Maintenez, continuez à faire montre de générosité. Gardez les yeux ouverts, observez ce qui se passe autour de vous. C’est un cliché que de dire que ça nous concerne tous. Je répète que je ne suis pas unique dans ce rôle, bien au contraire. Le nombre d’aidants est en constante évolution. Quand je regarde et m’adresse à des gens, je sens que ce n’est plus un sujet tabou. Ça m’habite bien. Je sens que c’est une maladie et je ne connais personne qui soit capable de dire qu’il n’est pas affecté par ça.

Il n’y a que peu de familles à n’avoir fait connaissance avec cette maladie, et dans le cas contraire, il s’en trouvera chez son entourage qui vit cette réalité cruelle. C’est énorme comme situation, chez plus d’un. Comme je souscris au fait d’être indulgent envers le milieu médical, peu importe le niveau. La gentillesse de ces gens, leur humanisme, leur empathie et leur empressement sont continuellement partie à leurs actions.

RAPPEL – Le Relais pour la vie de Rimouski recrute toujours des équipes et les gens intéressés à y participer peuvent s’inscrire en ligne au relaispourlavie.ca ou appeler au 418-723-5116. Chaque équipe, chaque participant fait une différence et permet à la Société canadienne du cancer de sauver des vies.

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